François Dumas
Un homme de liens
Le scénographe François Dumas et Alix Lalucaa, son assistante, tissent des rubans sur des grilles pour l'exposition Systems, not Stuff. ©Sb
Rencontre au débotté avec le scénographe de l'exposition Systems, not stuff et créateur de la Passerelle de l'inclusion.
Le menton posé sur le revers de la main gauche, debout face à une des grilles en demi-cercle qui rythment le grand atelier de l'ancienne manufacture d'arme, François Dumas observe l'entrelacs des rubans verts et bleus. Il reste encore des petits carrés de fer vides, mais le dessin est déjà visible. Le designer français scénographie Systems, not stuff (des systèmes, pas des objets) imaginé par Lisa White, la commissaire principale de la Biennale internationale design Saint-Étienne. Et jusqu'au bout, il profite du montage pour faire des essais de tissage. Il a fait du ruban le fil conducteur de l'exposition qui met en exergue la capacité du design à créer du lien, des connexions. Un ruban qui ne cesse de provoquer des surprises.
Le menton posé sur le revers de la main gauche, debout face à une des grilles en demi-cercle qui rythment le grand atelier de l'ancienne manufacture d'arme, François Dumas observe l'entrelacs des rubans verts et bleus. Il reste encore des petits carrés de fer vides, mais le dessin est déjà visible. Le designer français scénographie Systems, not stuff (des systèmes, pas des objets) imaginé par Lisa White, la commissaire principale de la Biennale internationale design Saint-Étienne. Et jusqu'au bout, il profite du montage pour faire des essais de tissage. Il a fait du ruban le fil conducteur de l'exposition qui met en exergue la capacité du design à créer du lien, des connexions. Un ruban qui ne cesse de provoquer des surprises.
Provoquer les coïncidences
Quand Lisa White lui a parlé de son projet pour la Biennale, du thème Me, You, Nous, créons un terrain d'entente et de son envie d'un objet totem pour inviter un maximum de gens à venir, François Dumas a pensé aux arbres de mai (Maypole en anglais). Lui, qui s'est installé à Amsterdam pour profiter d'une ville internationale et ouverte, est familier de ces mats chapeautés de rubans et érigés dans les pays de l'hémisphère nord pour célébrer le retour du printemps. Les villageois dansent tout autour, reliés par les rubans scellés au sommet du mat. Une ronde joyeuse et colorée, un cercle de liens de couleurs mouvants. Une parfaite inspiration pour inviter à la fête tous ses contemporains, pour dire le plaisir d'être ensemble. « Je ne savais pas, alors, que la rubanerie était une spécialité de Saint-Étienne, raconte le trentenaire à la chevelure rebelle. C'est une pure coïncidence, mais c'est ça, la scénographie, le design : une façon de provoquer les choses. » Le design comme catalyseur de synchronicité ?
Quand Lisa White lui a parlé de son projet pour la Biennale, du thème Me, You, Nous, créons un terrain d'entente et de son envie d'un objet totem pour inviter un maximum de gens à venir, François Dumas a pensé aux arbres de mai (Maypole en anglais). Lui, qui s'est installé à Amsterdam pour profiter d'une ville internationale et ouverte, est familier de ces mats chapeautés de rubans et érigés dans les pays de l'hémisphère nord pour célébrer le retour du printemps. Les villageois dansent tout autour, reliés par les rubans scellés au sommet du mat. Une ronde joyeuse et colorée, un cercle de liens de couleurs mouvants. Une parfaite inspiration pour inviter à la fête tous ses contemporains, pour dire le plaisir d'être ensemble. « Je ne savais pas, alors, que la rubanerie était une spécialité de Saint-Étienne, raconte le trentenaire à la chevelure rebelle. C'est une pure coïncidence, mais c'est ça, la scénographie, le design : une façon de provoquer les choses. » Le design comme catalyseur de synchronicité ?
La Passerelle de l'inclusion, place du Palais Royal à Paris, le 13 février 2019.
©P.Jacob
©P.Jacob
Un tunnel spatio-temporel
François Dumas, qui aime plus que tout raconter des histoires, semble prêt à croire à la création de toiles de significations grâce à des éléments simultanés et sans causalité. Il s'amuse encore, décèle une nouvelle preuve de ce pouvoir du design quand il découvre que « la pampille », un des surnoms donné à la Passerelle de l'inclusion qu'il a imaginée comme totem, signifie « la fête » en gaga, le parler stéphanois. Ce nom est resté parmi les acteurs de la Cité du design alors même que le « tunnel spatio-temporel » couvert de rubans de couleurs tissés sur « des arches de différentes hauteurs pour créer un rythme, quelque chose de vibrant », comme il le décrit et qu'il a designé, n'a rien de ces pendeloques à franges que la passementerie nomme pampilles. Mais c'est vrai qu'elle paraît tanguer un peu cette passerelle couverte, qu'elle vit avec ces rubans qui frissonnent au vent. Comme un homme enivré de festivités ou une houle de brins d'herbes sous la brise.
François Dumas, qui aime plus que tout raconter des histoires, semble prêt à croire à la création de toiles de significations grâce à des éléments simultanés et sans causalité. Il s'amuse encore, décèle une nouvelle preuve de ce pouvoir du design quand il découvre que « la pampille », un des surnoms donné à la Passerelle de l'inclusion qu'il a imaginée comme totem, signifie « la fête » en gaga, le parler stéphanois. Ce nom est resté parmi les acteurs de la Cité du design alors même que le « tunnel spatio-temporel » couvert de rubans de couleurs tissés sur « des arches de différentes hauteurs pour créer un rythme, quelque chose de vibrant », comme il le décrit et qu'il a designé, n'a rien de ces pendeloques à franges que la passementerie nomme pampilles. Mais c'est vrai qu'elle paraît tanguer un peu cette passerelle couverte, qu'elle vit avec ces rubans qui frissonnent au vent. Comme un homme enivré de festivités ou une houle de brins d'herbes sous la brise.
Préparation de l'exposition Systems, not Stuff. Une étudiante nettoie les grilles de fer sur lesquelles seront tissés 4 kilomètres de rubans. ©Sb
Un motif pour chaque alcôve
François Dumas a commandé quatre kilomètres de tissus à Neyret, le rubanier de luxe de Saint-Étienne qui perpétue le savoir-faire local, pour réaliser la scénographie de l'exposition stéphanoise. Chaque grille sur laquelle le scénographe tisse ses liens, aidé de son assistante et d'étudiants de l'Esadse, va se transformer en alcôve avec des couleurs, un motif en fonction de l'installation qu'elle abritera. Pour la Bio-fabrique, il veut de l'organique, pour l'Atelier mécanique du futur, une impression de machine en action, pour le Théâtre plastique, il a choisi des teintes franches, éclatantes (extraverties, dirait Lisa White) avec un tissage qui joue la répétition comme une production à l'infini...
François Dumas a commandé quatre kilomètres de tissus à Neyret, le rubanier de luxe de Saint-Étienne qui perpétue le savoir-faire local, pour réaliser la scénographie de l'exposition stéphanoise. Chaque grille sur laquelle le scénographe tisse ses liens, aidé de son assistante et d'étudiants de l'Esadse, va se transformer en alcôve avec des couleurs, un motif en fonction de l'installation qu'elle abritera. Pour la Bio-fabrique, il veut de l'organique, pour l'Atelier mécanique du futur, une impression de machine en action, pour le Théâtre plastique, il a choisi des teintes franches, éclatantes (extraverties, dirait Lisa White) avec un tissage qui joue la répétition comme une production à l'infini...
Le scénographe François Dumas et Alix Lalucaa, son assistante, nouent
des rubans sur des grilles pour l'exposition Systems, not Stuff. ©Sb
Allitérations visuelles et correspondances
« C'est finalement un bel écho à la rétrospective Vasarely du Centre Pompidou, note l'homme aux cheveux en bataille, mèches souples et œil attentif en se souvenant de cette reproduction d'une œuvre du peintre qui le fascinait tant chez ses grands-parents. C'est un artiste hypnotique, généreux, qui sait si bien jouer de couleurs éclatantes. » Comme lui, François Dumas joue de la répétition (il passe encore la main dans son épaisse tignasse pour déranger son savant décoiffé). Elle est sa figure de style. Il cadence, provoque des allitérations visuelles, travaille les correspondances. Reproduit et varie. « Je veux une idée de gamme », dit-il encore. Lui fait les siennes à la main, et ce matin de février, il lace, ficelle, lie, délace, sans se lasser. Chez lui, c'est la main qui avance, conduit.
« C'est finalement un bel écho à la rétrospective Vasarely du Centre Pompidou, note l'homme aux cheveux en bataille, mèches souples et œil attentif en se souvenant de cette reproduction d'une œuvre du peintre qui le fascinait tant chez ses grands-parents. C'est un artiste hypnotique, généreux, qui sait si bien jouer de couleurs éclatantes. » Comme lui, François Dumas joue de la répétition (il passe encore la main dans son épaisse tignasse pour déranger son savant décoiffé). Elle est sa figure de style. Il cadence, provoque des allitérations visuelles, travaille les correspondances. Reproduit et varie. « Je veux une idée de gamme », dit-il encore. Lui fait les siennes à la main, et ce matin de février, il lace, ficelle, lie, délace, sans se lasser. Chez lui, c'est la main qui avance, conduit.
Faire et défaire. Le scénographe François Dumas et Alix Lalucaa, son assistante, insatisfaits du motif enlèvent les rubans d'une grille pendant le montage de l'exposition Systems, not Stuff. ©Sb
Le fil, le brin, la tige, le fétu sont son dada
« Je fais du « design by hand », souligne le trentenaire. De l'artisanal en série ». Dans cet immense atelier de la Cité du design, ses mains touchent, caressent, étirent, plient, enroulent, se laissent aller à la répétition comme on entre en transe. Du fait main, qui se répète encore et encore. Jusqu'à ce que le geste s'épure. Avec, souvent, des matériaux qui se répondent. Le ruban, par exemple, le fil, le brin, la tige, le fétu... est son dada. Depuis ses débuts. Avec la Sealed chair (2009), qui lui vaut le Grand prix 2012 de la Villa Noailles et le place ainsi sous les feux de la rampe, il imagine une nouvelle façon de tordre et de sceller deux tiges de plastiques pour construire une élégante chaise translucide. La même année, il coupe des brins de plastiques flexibles colorés et monte des coupes de toutes formes. Plus tard, il découpe des tiges de bois - du diamètre d'un manche à balais -, colore des bouts, les assemble comme des rayons de soleils autour des chaussures ou dessine des lampes et réaménage les boutiques du fabricant de chaussures espagnol Camper pour ses vingt ans... Pour son canapé Knapsack, avec le fabricant de tissus Kvadrat, il lie des cylindres de tissus avec des lanières en cuir. Et quand il peint, il accumule des lignes de couleurs de différentes tailles qui dessinent des anémones.
Dans le Krux d'Amsterdam
François Dumas dessine des lignes de couleurs sur les murs (étagères Eva, 2013), pour des assises (Columns furnitures, 2015), pour des tapis (Brush carpet pour La chance, 2012) et rapporte des cordes de tous ses voyages. Il les porte parfois en ceinture comme celle élastique, bleu et orange, qu'il a nouée à sa ceinture. « J'en ai trouvé tout un stock en Chine », raconte-il en souriant. Elles trouveront toutes un usage. Elles serviront sans doute à « tenir ensemble », à joindre, à relier comme lui-même n'hésite pas à rassembler ses contemporains pour concevoir de nouvelles façons d'être ensemble, d'engendrer du bien commun. À Amsterdam, avec Gero Asmuth, Erasmus Scherjon et Dajo Bodisco, trois autres diplômés de la Design Academy Eindhoven (Pays-Bas), il a créé le Krux, une forme de coopérative d'artisans, d'artistes et de designers. Dans un immense hangar, comme traversé par une rue, un peu plus d'une vingtaine de petits ateliers ont été installés sur deux étages. Du luthier au chapelier en passant par des réalisateurs et des designers graphiques, toute une communauté d'entrepreneurs créatifs vit et produit. Ensemble et séparément. Tous ont rêvé et mis en place un « terrain d'entente », une autre façon de faire. En lien. Soizic Briand
« Je fais du « design by hand », souligne le trentenaire. De l'artisanal en série ». Dans cet immense atelier de la Cité du design, ses mains touchent, caressent, étirent, plient, enroulent, se laissent aller à la répétition comme on entre en transe. Du fait main, qui se répète encore et encore. Jusqu'à ce que le geste s'épure. Avec, souvent, des matériaux qui se répondent. Le ruban, par exemple, le fil, le brin, la tige, le fétu... est son dada. Depuis ses débuts. Avec la Sealed chair (2009), qui lui vaut le Grand prix 2012 de la Villa Noailles et le place ainsi sous les feux de la rampe, il imagine une nouvelle façon de tordre et de sceller deux tiges de plastiques pour construire une élégante chaise translucide. La même année, il coupe des brins de plastiques flexibles colorés et monte des coupes de toutes formes. Plus tard, il découpe des tiges de bois - du diamètre d'un manche à balais -, colore des bouts, les assemble comme des rayons de soleils autour des chaussures ou dessine des lampes et réaménage les boutiques du fabricant de chaussures espagnol Camper pour ses vingt ans... Pour son canapé Knapsack, avec le fabricant de tissus Kvadrat, il lie des cylindres de tissus avec des lanières en cuir. Et quand il peint, il accumule des lignes de couleurs de différentes tailles qui dessinent des anémones.
Dans le Krux d'Amsterdam
François Dumas dessine des lignes de couleurs sur les murs (étagères Eva, 2013), pour des assises (Columns furnitures, 2015), pour des tapis (Brush carpet pour La chance, 2012) et rapporte des cordes de tous ses voyages. Il les porte parfois en ceinture comme celle élastique, bleu et orange, qu'il a nouée à sa ceinture. « J'en ai trouvé tout un stock en Chine », raconte-il en souriant. Elles trouveront toutes un usage. Elles serviront sans doute à « tenir ensemble », à joindre, à relier comme lui-même n'hésite pas à rassembler ses contemporains pour concevoir de nouvelles façons d'être ensemble, d'engendrer du bien commun. À Amsterdam, avec Gero Asmuth, Erasmus Scherjon et Dajo Bodisco, trois autres diplômés de la Design Academy Eindhoven (Pays-Bas), il a créé le Krux, une forme de coopérative d'artisans, d'artistes et de designers. Dans un immense hangar, comme traversé par une rue, un peu plus d'une vingtaine de petits ateliers ont été installés sur deux étages. Du luthier au chapelier en passant par des réalisateurs et des designers graphiques, toute une communauté d'entrepreneurs créatifs vit et produit. Ensemble et séparément. Tous ont rêvé et mis en place un « terrain d'entente », une autre façon de faire. En lien. Soizic Briand
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